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De Rabat à l’X : le rêve impossible de Yasser Oufqir

  • Photo du rédacteur: Amine Naji
    Amine Naji
  • 16 août
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 5 sept.

De Rabat à l’École Polytechnique, le témoignage d’un jeune Marocain qui, armé de travail et de détermination, a défié toutes les probabilités pour intégrer l’une des écoles les plus prestigieuses au monde.


Yasser Oufqir - Étudiant de l’École polytechnique (l’X)
Yasser Oufqir - Étudiant de l’École polytechnique (l’X)

Je m’appelle Yasser Oufqir. Je viens d’un quartier populaire de Rabat, un endroit où les rêves semblent parfois trop grands pour être atteints. Rien, dans mon parcours, ne me prédestinait à intégrer l’École Polytechnique. Mes parents ont tout donné pour que je puisse étudier dans une bonne école, sans savoir jusqu’où cela me mènerait. Je n’avais ni privilèges ni talents particuliers. Juste une volonté farouche de travailler, de persévérer et de croire jusqu’au bout en mes rêves.


Pourquoi pas moi?


J’ai fait mes études jusqu’au bac au Groupe Scolaire Atlas de Rabat. Mes parents ont investi énormément, sans savoir quelles portes allaient s’ouvrir. J’ai choisi un bac Sciences Maths B et je l’ai décroché avec mention très bien, obtenant la deuxième meilleure moyenne du bac SM à Rabat. Pendant mes deux dernières années de lycée, j’ai eu un professeur de physique extraordinaire, M. Hariri. Il nous parlait de ces rares élèves qu’il avait vus intégrer l’X et transformer leur vie. Et à ce moment, j’ai pensé : pourquoi pas moi ? C’est là que tout a commencé.


Autour de moi, certains camarades évoquaient le Canada, les États-Unis ou la Chine. Je me sentais un peu mal à l’aise, conscient que mes parents n’auraient pas pu financer ce type de parcours. Mais au lieu de me décourager, j’ai transformé ce manque en moteur. Briller avec les moyens modestes dont je disposais, voilà mon objectif.

J’ai choisi le Lycée Mohammed VI d’Excellence (LYDEX) parce que c’était la meilleure prépa au Maroc, celle qui maximisait mes chances pour l’X. Et si l’on figurait parmi les meilleurs admis par la voie 1, une bourse complète était possible, offrant un peu de répit financier à mes parents. J’ai mis toute mon énergie à préparer le bac, et grâce à Dieu, je l’ai réussi. Beaucoup autour de moi doutaient, mais j’ai tenu bon.


Partir loin de sa famille


Mon arrivée au LYDEX fut un mélange de choc et d’émerveillement. Tout est pensé pour permettre aux élèves de se concentrer et de performer. On se retrouve entouré d’autres jeunes venus des quatre coins du Maroc, tous animés par la même quête : l’excellence. À 18 ans, partir loin de sa famille, dans une ville comme Benguerir, n’est pas simple, mais c’était le prix à payer pour représenter fièrement mon pays.


Le corps administratif est incroyablement proche, le corps professoral passionné et engagé. M. Boeckel en particulier garde un lien personnel avec presque tous les élèves, un repère rassurant dans ce parcours exigeant. La première année visait à passer en classe étoilée pour pouvoir viser l’X. Mais la prépa est un rythme infernal. Sans méthode, impossible de tenir. J’ai appris à organiser mon temps : bien dormir, travailler intelligemment, éviter le bachotage inutile.


La vie en prépa est un monde à part. Loin des proches, plongé dans la compétition, le stress et le doute sont constants. Pour moi, la spiritualité a été essentielle : faire ce qui est nécessaire et laisser Dieu gérer le reste. Le LYDEX offre aussi d’excellentes infrastructures sportives pour évacuer la pression. Et l’ambiance, parfois difficile, permet de tisser des liens que l’on garde toute sa vie.


Un marathon plutôt qu’un sprint


Les concours ne se préparent pas en sprint, mais en marathon. Chaque mauvaise note devient une leçon. Les chapitres où j’avais échoué furent ceux que j’ai le mieux réussis aux écrits et aux oraux. La défaite peut préparer une grande victoire si l’on sait en tirer les enseignements. Il faut être prêt dans toutes les matières, ne pas négliger l’oral, et savoir montrer sa réflexion et son raisonnement. Le LYDEX organise plusieurs sessions d’oraux blancs pour nous y préparer.


Chaque instant en prépa est précieux. On se bat pour croire, travailler avec discipline et acharnement. Juin 2024 : jour des résultats des écrits de l’X. Un moment lumineux au bout du tunnel. Quand j’ai su que j’étais admissible, mes parents ont pleuré. L’émotion, le soulagement, la fierté étaient immenses.


Des épreuves redoutables


Les écrits s’étendent sur cinq jours, avec des épreuves de quatre à six heures le matin et l’après-midi. Les épreuves sont redoutables. Il faut avancer linéairement, rester concentré, oublier chaque épreuve une fois terminée. Avant chaque examen, j’appelais ma mère pour entendre ses prières.


L’admissibilité n’était qu’un début. Les oraux sont la partie la plus sensible. Une semaine d’épreuves de cinquante minutes devant des jurys exigeants. J’ai révisé toutes les matières, même celles que j’aurais pu négliger, et travaillé sur les anciens oraux. Une semaine intense, mais la préparation et la capacité à montrer son raisonnement permettent de réussir.

Quand les résultats finaux sont tombés, j’avais encore des oraux à passer pour d’autres écoles. Mais en voyant que j’étais au-dessus de la barre, j’ai appelé mes parents : la même émotion, le même soulagement. Al hamdoulilah, c’était fait, et je le ressens encore chaque jour.


Si j’avais des conseils à donner?


Si je devais donner des conseils à ceux qui rêvent de suivre ce parcours, je dirais d’abord qu’il faut bien maîtriser son cours. C’est la base pour affronter tous les concours, même les plus difficiles. Il est essentiel de garder un rythme de vie sain : les nuits blanches et le sacrifice de sa santé ne mènent à rien, car il faut être au top physiquement et mentalement le jour des concours. Il faut aussi croire en ses capacités et savoir gérer son stress, prendre le temps de souffler et ne pas se laisser emporter par la pression.


La préparation aux oraux doit se faire tout au long de la prépa, en profitant pleinement des kholles et des simulations, car l’oral à l’X est souvent la partie la plus exigeante. Il ne faut pas sous-estimer certaines matières comme la chimie, les langues ou l’ADS, et ne pas se concentrer uniquement sur les maths ou la physique. Enfin, rester humble est crucial : la solidarité, la bienveillance et le respect des autres sont essentiels, car au final, nous restons des humains, pas des robots.

 
 
 

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