"L’intelligence artificielle, un levier décisif pour aider le Maroc à combler son retard éducatif"
- La rédaction
- il y a 7 jours
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Dernière mise à jour : il y a 4 jours

Diplômé de Sciences Po et HEC Paris et spécialiste de l’usage de l’Intelligence artificielle (IA) dans le domaine des industries créatives, Yassine Tahi plaide pour un système éducatif intégrant l’IA pour booster les compétences des étudiants marocains et améliorer leur compétitivité sur le marché de l’emploi.
L’adoption spectaculaire d’outils comme ChatGPT ou Midjourney montre à quel point il est crucial que les politiques publiques liées à l’éducation s’intéressent de très près et de manière urgente aux questions liées à l’intelligence artificielle (IA). Le système éducatif marocain, qui accuse de nombreux retards, a une grande carte à jouer pour répondre à plusieurs défis en utilisant les dernières avancées technologiques. L’intelligence artificielle pourrait ainsi jouer un rôle crucial dans l’enseignement supérieur marocain en améliorant l’efficacité, la personnalisation et l’accessibilité de l’éducation.
Soutien scolaire
L’IA est en effet un outil extraordinaire pour soutenir les professeurs en leur permettant de personnaliser leurs exercices et ainsi mieux s’adapter aux disparités de niveaux, et ce dès les plus petites classes. Par exemple, la startup Lalilo, créée par le Marocain Amine Mezzour, a conçu un logiciel d’apprentissage révolutionnaire basé sur l’IA qui aide chaque enfant à apprendre à lire à son propre rythme et permet aux enseignants de personnaliser l’apprentissage dans leur classe. Distribuée par le groupe Renaissance aux Etats-Unis, elle est déjà utilisée par des milliers de professeurs.
Par ailleurs, l’IA peut être utilisée pour analyser les données d’apprentissage des étudiants, permettant aux enseignants et institutions de mieux comprendre les besoins des élèves et d’ajuster leurs méthodes d’enseignement en conséquence. L’IA peut également participer à la mise en place de systèmes de tutorat intelligents : des programmes peuvent être utilisés pour fournir un soutien personnalisé aux étudiants, en les aidant à identifier leurs lacunes et en leur fournissant des ressources adaptées pour améliorer leurs compétences. Un des défis pour le Maroc va être notamment de pouvoir ré-entraîner des LLM (large language models) sur des données spécifiques à notre pays qui comprennent notamment des éléments en arabe et peut-être même en darija.
Aide au savoir
Concernant l’usage de l’IA pour les dissertations ou les mémoires, il convient de repenser le sens de l’éducation à l’aube de cette technologie. L’accès au savoir illimité et la possibilité de génération de contenu, qu’il soit textuel ou visuel, doit être considéré comme une aide plutôt que comme une menace. Comme la calculatrice a permis d’aider les étudiants dans la résolution de problèmes mathématiques, ChatGPT pourrait permettre aux étudiants d’écrire dix fois plus vite et de raisonner en ayant à portée de clic des millions de références.
Plutôt que de limiter l’accès à ces nouvelles capacités, il serait plus judicieux de revoir la façon d’évaluer et de se focaliser sur des compétences-clés que sont le sens critique et l’agencement d’idées, par exemple. Le temps de l’apprentissage par cœur issu des méthodes scolastiques littéralement héritées du Moyen-Âge est révolu. D’une part, les étudiants doivent plutôt apprendre à apprendre avec les nouvelles méthodes à disposition et, d’autre part, les professeurs doivent pouvoir apprendre aux étudiants à développer leur sens critique et les prévenir des limites de l’IA qui est parfois approximative et limitée dans ses réponses. On doit également collectivement veiller à ce que cet outil, conçu pour l’instant dans la Silicon Valley, ne soit pas le vecteur d’une pensée unique et aseptisée, empêchant l’émergence d’idées pouvant s’aventurer hors des sentiers battus.
Enfin, si l’on aborde l’éducation dans son rôle pratique qui, au-delà de former des citoyens, permet de construire la force de travail de demain, l’IA pourrait offrir de nombreux débouchés. En effet, certaines formations artistiques ou même informatiques peuvent être accélérées. L’IA, en abaissant la barrière de l’accès à l’apprentissage du code avec des outils utilisés comme « copilotes », permet au plus grand nombre d’accéder à de nouvelles compétences, et ce, de manière beaucoup plus rapide. A l’avenir, il ne faudra pas cinq ans pour avoir des compétences équivalentes à celles d’un master en informatique, mais peut-être une seule année. Le gain de temps pourra être investi pour aller beaucoup plus loin ou pour explorer d’autres compétences.
Repenser l’école de demain
Ainsi, l’acquisition d’un niveau de code permettant la création d’un site web ou d’un jeu vidéo est 100 fois plus simple aujourd’hui. Un nouveau monde des possibles en termes de carrière s’offre aux étudiants. Pourquoi choisir entre sciences politiques et développement informatique, quand il est possible d’acquérir les connaissances de l’un beaucoup plus rapidement et les compétences techniques de l’autre plus aisément ? La question qui se pose pour le Maroc est alors de se demander si, au lieu d’investir dans la création d’écoles de code au sens traditionnel du terme, il ne conviendrait pas plutôt de faire un bond en avant en concevant des écoles qui apprennent à maîtriser l’IA et donc à pouvoir non seulement coder, mais également créer du contenu (texte, images, vidéos, 3D). En définitive, que ce soit pour former les citoyens ou les travailleurs de demain, l’IA a un rôle crucial à jouer pour le Maroc s’il souhaite rattraper son retard dans le domaine de l’éducation.
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