“Diversifier les sources de revenus : une stratégie vitale pour l’avenir de l’enseignement supérieur ”
- La rédaction
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Dernière mise à jour : il y a 4 jours

Professeur de l’enseignement supérieur et directeur général du Groupe ISCAE, Tarik El Malki évoque les leviers que les établissements de l’enseignement supérieur peuvent mettre en place pour diversifier leurs revenus.
L’un des sujets cruciaux qui concerne le système marocain de l’enseignement supérieur est celui de son financement et surtout la nécessité de diversifier les sources de revenus. Ce dernier repose généralement sur les fonds publics provenant des contribuables ou sur les frais de scolarité payés par les étudiants et leurs familles. Cependant, cette approche traditionnelle de financement rencontre des défis en raison de l’augmentation des coûts, de la raréfaction des ressources publiques et de la nécessité d’investir massivement pour rester compétitif à l’échelle internationale. Dans cette perspective, la diversification permet aux universités de faire face aux défis financiers et de favoriser leur croissance ainsi que leur contribution à l’économie. Sur la base d’un benchmarking effectué au niveau d’universités internationales de renom (publiques et privées) en Europe, aux Etats-Unis et au Canada, et d’écoles de commerce (Business School reconnues), nous avons pu identifier 5 sources majeures de financement du secteur que l’on pourrait appliquer au secteur de l’enseignement marocain.
Lancer des fondations d’universités
La première source de financement réside dans la création de fondations d’universités. Dans ce cadre, le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS) a préconisé, dans l’un de ses précédents rapports, la création par les universités de fondations, en se basant sur les expériences internationales en la matière. Ces fondations peuvent générer des ressources financières à travers la gestion des prestations de services, des fonds de recherche, des expertises, et d’autres activités telles que la formation continue règlementée. Ces fondations peuvent aussi aider les étudiants à concrétiser leurs idées d’entreprises, à travers la mise en place d’incubateurs universitaires. Des expériences similaires ont eu lieu en France et au Canada notamment. Le Maroc n’est pas en reste à travers des expériences d’envergure qui associent les secteurs public et privé. La création du réseau d’incubateurs BlueSpace, qui marque l’association entre la Bank of Africa (BOA) et l’université marocaine au niveau des régions, en est un exemple édifiant. Le Groupe ISCAE fait partie de ce réseau national d’incubateurs, à travers la mise en place d’un incubateur au sein de son campus de Casablanca et se place naturellement en tête des organismes d’enseignement supérieur qui font de la promotion de l’entrepreneuriat l’une de leurs priorités en termes de missions stratégiques.
Encourager la philanthropie
La philanthropie (ou « don ») est également une source de financement importante pour développer notamment les infrastructures ou la recherche. Et cela à travers le modèle « Alumni », qui fait référence à la collecte continue de petits dons auprès d’un grand nombre d’anciens étudiants et de leurs amis. Ce modèle s’applique lorsqu’on cible les membres d’associations d’anciens étudiants. L’encouragement des Alumni constitue un levier important pour mobiliser des nouvelles ressources en faveur de l’université. Les régions sont également appelées à jouer un rôle de plus en plus prégnant afin de financer une partie de l’infrastructure des universités, et en faire des fers de lance de leurs politiques territoriales de développement.
Créer des entreprises
Une autre source de financement réside dans la création d’entreprise (ou filiales) afin de développer des activités commerciales susceptibles de générer des revenus additionnels tout en restant alignés sur les objectifs pédagogiques de base de l’université. L’objet de ces entreprises étant social, cela pourrait être le management de la formation continue, le consulting, la gestion du patrimoine immobilier, l’exercice de certaines activités sportives et culturelles, l’hôtellerie et la restauration, etc.
Développer les prestations de services
Ensuite, les prestations de service payantes constituent une source de financement additionnelle à travers, entre autres, la location de bâtiments ou de salles, l’hébergement d’entreprises, la location de plateformes technologiques ou d’équipements scientifiques et l’installation de distributeurs automatiques. Les universités marocaines développent de plus en plus ce type de prestations, à travers notamment la formation continue diplômante et certifiante. Ces programmes de formation qui ciblent les cadres d’entreprise et les salariés peuvent s’organiser également à travers des partenariats public-privé (PPP) avec des universités privées d’entreprise. Il peut également s’agir d’héberger au sein des universités des incubateurs afin d’accompagner des porteurs de projets et créateurs d’entreprise moyennant une offre de services payants. Dans le cadre de ce volet important, le Groupe ISCAE, qui dispose de ses propres textes législatifs et réglementaires (loi 13/06) qui acte notamment son autonomie financière et lui permet de développer toutes sortes de services payants connexes, a développé un portefeuille d’offre de formation continue de plus de 30 mastères spécialisés et certificats. En outre, un PPP innovant et novateur a été scellé entre l’ISCAE Rabat et l’université d’entreprise privée qui dépend de Ménara Holding, et dont l’objectif est de déployer l’offre de formation continue de l’ISCAE Rabat (diplômes de mastères et certificats) au niveau de la région de Marrakech en s’appuyant sur son partenaire privé. Ceci dit, les diplômes sont délivrés exclusivement par l’ISCAE Rabat.
Exploiter les résultats de la recherche
Enfin, les universités peuvent également, lorsque cela est possible, exploiter les résultats de la recherche et les contrats de recherche. En effet, cette exploitation des résultats représente des modalités importantes pour favoriser le développement scientifique, l’innovation et la croissance des universités. Ces approches offrent une opportunité de financement pour les établissements d’enseignement supérieur, leur permettant de diversifier leurs sources de revenus et de soutenir leurs activités de recherche et d’innovation.
Le choix de ces sources de financement alternatives pour les universités repose sur un certain nombre de prérequis qui, s’ils ne sont pas mis en place en tant que stratégies d’accompagnement, risquent de rendre caduques ces politiques de financement. Il s’agit, d’une part, de mettre en place des incitations fiscales pour la collecte de fonds privés sous la forme d’un système d’avantages fiscaux (déductibilité, exonérations fiscales...) en faveur de l’université ou de ses partenaires (entreprises, donateurs...). Le second prérequis est la nécessité de rendre effective, et cela de manière accrue, l’autonomie des universités, en passant notamment d’un système de contrôle à priori des dépenses à un système de contrôle à postériori. Ce qui aurait pour effet de simplifier et fluidifier le système de contrôle des dépenses et de responsabiliser les dirigeants des universités en renforçant la bonne gouvernance. Une flexibilité réglementaire qui va de pair avec la reddition des comptes. Enfin, il sera essentiel de développer une culture du don et du mécénat qui continue de faire défaut dans notre pays, à travers notamment l’utilisation des outils du marketing relationnel.
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