Aux commandes d’Audencia depuis janvier 2024, Sébastien Tran incarne une vision ambitieuse pour l’une des écoles les plus dynamiques du paysage français. Dans cet entretien exclusif accordé à Campus Mag, il revient sur les grandes orientations de son mandat : internationalisation “glocale”, renforcement du continuum CPGE–Grandes Écoles, sélectivité accrue du Bachelor, présence affirmée sur le continent africain, et rôle stratégique des alumni. Un éclairage précieux sur la stratégie d’Audencia et les liens croissants entre l’enseignement supérieur français et les écosystèmes africains, notamment au Maroc.

Pouvez-vous nous parler brièvement de votre parcours, ainsi que de l'école que vous dirigez, Audencia ?

Je suis titulaire d’un Doctorat en économie industrielle de l’université Paris Dauphine et d’une Habilitation à Diriger des Recherches de l’université de Rouen. Je suis enseignant chercheur en management des systèmes d’information et je m’intéresse maintenant au management de l’innovation. J’ai une expérience de plus de 20 ans à différents postes dans les écoles de management en France. J’ai pris la direction d’Audencia en janvier 2024.

Comment voyez-vous évoluer l’identité d’Audencia dans les cinq à dix prochaines années ?

Audencia sera d’abord une institution au rayonnement mondial et une présence plus marquée à l’international dans une logique “glocale”, à savoir une insertion dans les écosystèmes des pays que nous choisissons (connexion avec les entreprises, les partenaires académiques, les associations locales, etc.). Nous sommes déjà présents en Europe avec nos 5 campus en France (notamment à Nantes et Paris), en Chine avec 3 campus, en Amérique Latine grâce à notre campus à São Paulo, et nous ouvrons un nouveau campus à Sydney en Australie, où nous sommes la première business school française à s’implanter. Nous poursuivrons notre maillage géographique au niveau mondial avec une logique d’interconnexion entre nos campus collaboratifs.

Audencia aura également comme ambition d’élargir son offre de programmes en France mais aussi à l’international à tous les niveaux de formation (du Bac+3 au Bac+8) et de se positionner, après les enjeux de Transitions Ecologiques et Sociales, sur l’ensemble des grands enjeux des transitions.

À partir de la prochaine rentrée, 100 % des élèves intégrant la première année du Programme Grande École viendront des classes préparatoires. Pourquoi ce parti pris ?

Nous avons souhaité nous inscrire pleinement dans le continuum CPGE-grandes écoles avec cette décision, en sachant que le nombre de places ouvertes en première année aux élèves hors classes préparatoires était déjà volontairement restreint. Notre 1ère année du PGE est construite en termes de contenus de cours et de méthodes dans la continuité des enseignements de la classe préparatoire. On met l’accent notamment sur la culture générale, les humanités et la géopolitique par exemple, en parallèle du tronc commun sur les fondamentaux du management. 

Qu'en est-il des admissions sur titres à partir de la 2e année d'école ? 

Nous avons, dans la logique du schéma LMD (Licence Master Doctorat), une voie pour les Admissions Sur Titres (AST) pour intégrer la 2ème année du PGE. Nous disposons actuellement de 510 places pour les AST2 (380 FR + 130 internationaux) avec des profils de type Bachelor ou Licence. Le nombre d’AST à vocation à être stable dans les prochaines années.

Quel conseil donneriez-vous à un élève marocain qui souhaiterait rejoindre Audencia mais n’a pas forcément envie de passer par une classe préparatoire ?

Nous avons une voie d’admissions pour les étudiants internationaux pour l’ensemble de nos programmes, que cela soit nos programmes post-bac ou notre programme Grande Ecole, qui sont détaillées sur chaque page programmes de notre site web. Nous avons également développé un portefeuille de MSc (Masters of Science) qui délivrent un grade de Master et qui sont accessibles aux étudiants internationaux avec des cours 100% en anglais, à Nantes ou Paris.

Que vaut concrètement le Bachelor d’Audencia aujourd’hui ? À qui s’adresse-t-il ?

On peut estimer la valeur d’un Bachelor via les 3 critères suivants :

• Classements : notre programme Audencia Bachelor in Management en 3 ans est aujourd’hui reconnu comme l’un des meilleurs en France : 3e au Palmarès des Bachelors 2025 du Parisien Etudiant, 5e au classement Challenges 2025. 

• Nous sommes aussi l’un des rares Bachelors en 3 ans à en France à disposer du visa bac + 3 du ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, et du grade de Licence, qui sont les plus hauts niveaux de reconnaissance de l’excellence académique d’un programme. En effet, seuls 26 Bachelors en 3 ans, dont celui d’Audencia, ont le grade de Licence en France, alors qu’on estime à plus de 400 le nombre de formations ayant une dénomination Bachelor (étude Xerfi de début 2024).

• La majorité des diplômés des Bachelors enchaînent ensuite sur une poursuite d’études. La qualité de celle-ci est donc aussi un fort gage de qualité du programme. Or, 80% de nos diplômés réussissent ensuite à être sélectionnés dans un programme Grande Ecole du top 10 en France, ou un diplôme universitaire dans une université prestigieuse en France ou à l’international.

C’est un programme post-bac généraliste, qui offre aussi des cursus flexibles et personnalisables, très professionnalisant, et l’un des rares à proposer une immersion internationale dès le second trimestre de la première année, avec un stage d’expatriation très formateur pour nos élèves. Nos étudiants bénéficient d’un taux d’encadrement très important (ratio professeurs - élèves) et d’un accompagnement sur-mesure grâce à tous nos services annexes (Conseil Carrière, etc.).

Les élèves issus du Bachelor peuvent-ils rejoindre le PGE ? Dans quelle proportion cela se fait-il concrètement ?

80% de nos diplômés Bachelor optent pour une poursuite d’études (chiffre de la promo 2024, pour certaines le pourcentage monte à 90%), pour avoir le niveau master, dont la très grande majorité intègrent un PGE du top 10. D’autres intègrent des universités prestigieuses en France ou à l’international (La Sorbonne, Dauphine, etc...). Dans notre promotion 2024, 64% ont candidaté au PGE Audencia, et 42% l’ont intégré suite au concours. 12% optent pour une année de césure, pour aller à l’étranger par exemple.

Audencia collabore-t-elle avec des agences de recrutement d’étudiants à l’international ?

Audencia collabore déjà bel et bien avec des agences de recrutement, ainsi qu’avec des représentants locaux dans plusieurs pays. Nous sommes pleinement conscients de l'importance de disposer de relais sur le terrain, capables de comprendre finement les spécificités culturelles et éducatives de chaque marché. Cette proximité permet un accompagnement personnalisé et pertinent des étudiants internationaux tout au long de leur parcours de candidature.

Au Maroc, par exemple, nous travaillons depuis plusieurs années avec plusieurs agences de confiance. Ces collaborations se sont construites sur la durée, et jouent aujourd’hui un rôle clé dans notre stratégie de rayonnement.

Notre volonté est de continuer à renforcer ces partenariats existants, tout en restant attentifs aux opportunités de développer de nouvelles collaborations. Cela nous permettra d’élargir notre réseau, d’accroître notre visibilité dans des villes et régions encore peu couvertes, et ainsi de continuer à attirer des profils internationaux diversifiés et de qualité.

Dans un registre connexe, nous constatons que les écoles disposant d’un représentant local enregistrent souvent de très bons résultats en matière de recrutement. Avez-vous envisagé de vous appuyer sur un tel relais pour renforcer votre présence sur place ?

Comme évoqué précédemment, la présence locale constitue un pilier de la stratégie internationale d’Audencia. Nous sommes pleinement conscients de l’impact direct qu’ont nos représentants sur le terrain, comme en Chine, au Brésil, ou encore par exemple au Liban, en matière de recrutement, de visibilité, mais aussi de compréhension fine des attentes des étudiants et de leurs familles. Les résultats que nous constatons dans les régions où nous collaborons avec des agences ou des représentants locaux parlent d’eux-mêmes : le nombre de candidatures et d’inscriptions issues de ces zones est en progression. Cela confirme la pertinence de ce modèle de proximité, que nous avons vocation à développer davantage dans les années à venir.

Quels sont aujourd’hui les établissements marocains avec lesquels Audencia entretient un partenariat actif ? 

Nous avons un partenariat avec l’UIR (Université Internationale de Rabat) dont fait partie Rabat Business School, et c’est un accord d’échanges et de double-diplôme. Nous avons aussi un partenariat d’échanges avec l’ESCA à Casablanca.  

Le continent africain devient un axe stratégique pour beaucoup d’écoles, notamment avec les restrictions croissantes pour les destinations comme les États-Unis ou le Canada. Quelle est votre vision pour Audencia sur le continent africain, et notamment au Maghreb ?

Le continent africain, et plus particulièrement le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest, représente un axe de développement pour Audencia, notamment en matière d’Executive Education. Nous sommes déjà présents à travers deux partenariats académiques en lien avec notre EMBA : en Algérie, avec l’ESAA (École Supérieure Algérienne des Affaires) et au Sénégal, à Dakar, en collaboration avec Supdeco. Ces programmes rencontrent un réel engouement, porté par une forte demande pour des formations de haut niveau adaptées aux réalités économiques locales.

Nous étudions actuellement de nouvelles pistes de collaboration afin de consolider notre présence sur le continent. Notre ambition est simple : construire des partenariats durables, renforcer les passerelles académiques et contribuer activement à la formation de leaders responsables, engagés dans les transitions économiques, sociales et environnementales de leurs territoires.

Audencia est la seule école non “parisienne” à faire partie de la Maison des Alumni au Maroc, où elle compte des diplômés prestigieux comme Othman El Ferdaous, ancien ministre et actuel ambassadeur du Maroc en Côte d’Ivoire. Pensez-vous qu’une telle initiative peut renforcer le rayonnement de votre communauté d'alumni au Maroc ?

Le Maroc est sur le podium des nationalités internationales les plus représentées au sein du réseau des diplômés d’Audencia. La réussite d’Othman El Ferdaous est inspirante pour tous nos diplômés. Au-delà de celle-ci, Audencia Alumni a toujours pu compter sur des diplômés engagés, à l’image de Mohammed Othmane Amrani, premier ambassadeur de la communauté, qui a passé la main en 2022 à Yassine Belhoussain. Depuis toujours, une dynamique forte anime cette communauté : citons aussi l’engagement de Mohamed Zaz et de Mohamed Benouda, qui ont œuvré à la présence d’Audencia au sein de la Maison des Alumni au Maroc, permettant à l’école d’être avec l’emlyon, l'une des deux représentantes non-Franciliennes de cette initiative. Cette initiative fédératrice permet en complément des événements organisés par le réseau (conférences, ftour...), de renforcer les opportunités de connexion pour nos diplômés, tout en accentuant le rayonnement de l’école sur le territoire. Il convient de rappeler que cette Maison des Alumni est ouverte à tous nos diplômés, résidents ou de passage à Casablanca.

L’association des diplômés d’Audencia pourrait-elle jouer un rôle plus actif dans votre stratégie de développement dans la région ?

Audencia Alumni a toujours capitalisé sur l’unicité de son réseau, œuvrant pour son développement propre par le biais d’une association unique. Yassine Belhoussain, ambassadeur de la communauté, siège au conseil d’administration de l'association et joue à ce titre un rôle actif dans le développement des activités du réseau dans sa globalité.

Qu’aimeriez-vous que l’on retienne de votre mandat à la tête d’Audencia ?

En tant que DG d’Audencia, je pense que le plus important est de faire en sorte que l’école continue sa progression dans les classements parmi les meilleures écoles de management en Europe et qu’elle puisse répondre aux nombreux défis à horizon 2050. Nous devons renforcer l’intégration dans nos programmes en formation initiale et en Executive Education de nombreuses problématiques (diffusion de l’IA, contexte géopolitique, etc.). Audencia a toujours été pionnière dans le secteur de l’enseignement supérieur, notamment sur les enjeux de transition écologique et sociale, et elle doit le rester dans les années à venir d'autant plus avec le réchauffement climatique dont les conséquences sont de plus en plus visibles.