top of page

Blog, infos & opinions

“Les jeunes ont le droit de rêver d’un Maroc meilleur”

  • La rédaction
  • il y a 4 jours
  • 3 min de lecture

Depuis le 27 septembre, le mouvement GenZ 212 manifeste dans le Royaume pour la réforme du système de santé, l’éducation, la fin de la corruption, la dignité. Khalid Mouna, anthropologue, professeur de sociologie à l’Université Moulay Ismail de Meknès, analyse pour Campus Mag l’impact de ces nouvelles formes de contestation.


Khalid Mouna - Antropologue
Khalid Mouna - Antropologue

La génération Z (15-30 ans) manifeste au Maroc, mais aussi simultanément dans plusieurs autres pays (Népal, Madagascar, Philippines…) pour des revendications similaires. Assiste-t-on à une mondialisation des luttes ?


Cette génération passe une partie de son temps sur des forums de jeu, qui sont devenus des espaces où l’on parle aussi de politique. Les gens y discutent entre comptes souvent anonymes, du monde entier. Le mouvement est parti de là.


Le point commun entre ces pays où la génération Z manifeste actuellement, c’est un libéralisme sauvage qui s’accompagne d’une réduction des droits, mais ce qui se passe à Gaza est également un facteur important : une vraie conscience des inégalités nord-sud et de l’injustice a émergé. On est passé de l’altérité, ce que vit l’autre, à soi.


Pour autant, cette catégorie de jeunes n’est pas homogène. Ils se définissent par différentes classes sociales et appartenances territoriales. Au Maroc, les deux premiers jours, c’étaient surtout des jeunes de petite classe moyenne qui, malgré la violence physique des autorités, sont restés pacifiques. Les jours suivants, c’étaient plus des jeunes de quartiers populaires, et leur réponse à la violence des autorités a été différente parce que la violence y est structurelle : elle est sociale, économique…


Les revendications sont similaires dans différents pays, mais aussi de génération en génération. Que pourrait changer le mouvement GenZ 212 au Maroc ?


Le discours a changé par rapport à ces revendications qui sont effectivement anciennes ; il est devenu très pragmatique. Ces jeunes ont vu un stade se construire en 18 mois, et savent donc qu’il est possible de construire des hôpitaux à la même allure. Tout ce que le Maroc a construit comme image sur les success stories du Covid, de l’équipe du Maroc au mondial 2022, en 48 heures, les jeunes ont réussi à le démolir. Les vidéos parodiques qui circulent sur les réseaux l’illustrent bien : des infrastructures flambant neuves vues de drone, et sans transition une caméra au sol qui filme des bidonvilles, des hôpitaux saturés, etc. Cet humour noir offre un contre-récit à ce que le Maroc essaie de marketer depuis des années.


Ces jeunes ont vu un stade se construire en 18 mois, et savent donc qu’il est possible de construire des hôpitaux à la même allure.

Que dit cette nouvelle façon de s’organiser et de manifester, anonymement et sans leader ?


Le mouvement du 20-Février n’avait pas de leader non plus. Les revendications sont très claires donc ces mouvements considèrent qu’il n’est pas nécessaire d’avoir de leader. Ceux qui devraient jouer les « traducteurs », ce sont les partis politiques – qui brillent par leur absence. Aujourd’hui, on est en train de questionner l’absence de leader dans le mouvement GenZ, alors que c’est aux partis politiques traditionnels de relayer leurs demandes.


Et puis chaque narratif est singulier dans ce mouvement : ceux qui ont un bac+5 et finissent avec des contrats Anapec à 3200 dirhams, ceux qui ont vu un parent mourir faute de soins, ceux qui sont exclus de l’école à cause de la précarité des parents… les histoires individuelles influencent différentes formes d’engagement au sein du groupe, donc un leader ne serait pas pertinent. La force de ce mouvement est justement dans son hétérogénéité.


Cette absence de leader est aussi motivée par la crainte, on le voit sur les réseaux sociaux, où les jeunes font tout pour préserver leur anonymat.


Que diriez-vous à cette jeunesse ?


J’ai envie de leur dire de continuer à croire en ce pays, en leur pouvoir de changer les choses. Parce que la jeunesse, ce n’est pas un chiffre, c’est une étape importante de la vie, dans laquelle on rêve. Les jeunes ont le droit de rêver d’un Maroc meilleur et de ne pas vouloir partir à l’étranger. Un gouvernement incapable de donner la santé, l’éducation et la dignité à cette jeunesse ne mérite pas d’être là. Leurs demandes sont tout à fait légitimes, et à partir du moment où le gouvernement n’arrive plus à dormir, c’est déjà gagné.

 
 
 

Commentaires


bottom of page